jeudi 9 avril 2020

Pour un théâtre Laboratoire - Lacascade - Tchekhov


..."Quand je joue je cherche l'ingénuité de mon personnage, son instinct. Pour cela je dois accepter le vide, la béance, la part d'inconnu des acteurs qui comme moi, reçoivent la déflagration de l'autre. L'expérience de la scène est liée au hasard puisque je ne sais pas ce je vais produire à ce contact. Quand les pulsions circulent comme le sang, le théâtre devient organique et nous surprend dans nos préjugés. C'est alors que le jeu s'impose, la venue dans un corps dont on n'avait pas encore eu l'intuition. Sur un plateau, les corps vérifient les idées. 
Chaque acteur a son point de vue dans un système global qui nous dépossède et refuse de se figer en un sens...

Nous travaillons sur le corps, c'est à dire sur le rien. Les corps font le décor, inventent les objets qui formulent l'histoire. Cette contrainte du rien nous fait découvrir des cristaux. Le rien de la scène saut aux yeux des spectateurs et ouvre leur imaginaire. Ensemble nous détruisons les artifices qui pourraient nous enfermer; nous faisons exploser les samovars, nous brisons les tasses de thé. 

Ensemble nous sommes ramenés au rien, au néant commun de l'existence. Ensemble nous savons que nous sommes ensemble pour ce rien que nous partageons. Ensemble nous devenons humains.


..."Le texte ne vient que lorsque le spectateur a eu le temps de s'intéresser au comportement d'un acteur. Il faut avoir les personnages dans l'oeil avant de les avoir dans l'oreille. J'anticipe le plus souvent l'entrée des comédiens, qui ne parlent que pour expliciter leur attitude physique. De la sorte, les situations naissent du plateau. Ce procédé a un impact sur la construction globale de la structure en fluidifiant les enchaînements... Ce que le spectateur perçoit alors, ce sont des rythmes supérieurs nés de la répétition de phrases ou de situations, ces cycles qui mènent de l'apparence d'ordre au désordre apparent : ce que le spectateur entend alors, ce sont ces variations sur des thèmes qui échappent au particulier et rejoignent l'universel."

 Extraits de "Tchekhov - Lacascade - La communauté du doute" de Sophie Lucet


Bonne soirée, et belle nuit à tous. A demain.

1 commentaire:

Sylvie Grr a dit…

Le plus grand !!!!
Quand je pense à Tchekhov je pense à lui et réciproquement :-)
Stimulant (et un peu inhibant aussi )
Dommage qu'on ne trouve pas de captation (et en même temps c'est triste une captation ... mais c'est la période)