jeudi 9 octobre 2008

Extrait de "Mon père, ce harki" de Dalila Kerchouche


"Depuis mon adolescence, j'occulte cette histoire, gênée par le passé trouble de mes parents. « Fille de harkis... » Le dire, le taire, je ne sais plus quelle attitude adopter. Honte, révolte, injustice, colère, larmes, désir de crier, de cogner... Je suis une fille de harkis, j'en pleure et j'enrage parce que je n'ai pas choisi de l'être. Je traîne une rancœur contre mon père, contre mon pays d'origine, contre celui dans lequel je vis... Et contre moi-même, d'éprouver tout cela. C'est ma fêlure intime, mon chagrin secret. Un jour humiliée, un autre révoltée, sûrement paumée, je me suis tue trop longtemps.
[...] Les harkis n'ont jamais été traités comme des hommes. Mais comme des indigènes par les colons, des traîtres par les Algériens, des soldats fidèles dévoués corps et âme à leur patrie par la France, des marginaux par les sociologues, des dépressifs chroniques par les psychiatres... Jamais personne, au fond, n'a vu en eux des jeunes gens, des pères et des mères, avec leurs émotions, leurs peurs, leurs angoisses, leurs espoirs, leurs déceptions, leur résignation, leurs déchirements, leurs illusions et leur fatalisme... Voilà ce que je voudrais raconter d'eux, sans jugement ni polémique, sans militantisme ni misérabilisme. Raconter une histoire de harkis dans l'histoire de la guerre d'Algérie, celle que mon père, bâillonné par la culpabilité, ne m'a jamais racontée. La voici.

Respect pour la vie de toutes ces femmes, placée sous le signe de la soumission

[...]« On m'a volé mon enfance », m'a dit un jour ma grande sœur Fatima. « Et moi, mon passé », lui ai-je répondu. Si elle ne peut guère rattraper le temps perdu, moi, je peux le remonter. Demain, le 1er juillet 2002, je me rends à Marseille, première étape de mon périple. [...] La tête sur l'oreiller et les yeux ensommeillés, une remarque de ma mère me revient à l'esprit avant de sombrer : « A quoi bon remuer le passé ? C'est fini, maintenant. » Pour moi, au contraire, tout commence... [...]

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