vendredi 3 avril 2020

Ode Maritime


"...Ah,  qui sait, qui sait,
Si je ne suis pas parti, jadis, avant moi-même,
D'un quai; si je n'ai pas quitté, navire au soleil
Oblique de l'aurore,
Une autre sorte de port ?
Qui sait si je n'ai pas quitté avant l'heure
Le monde extérieur tel que je le vois
Rayonner pour moi,
Un grand quai plein de peu de gens,
D'une grande ville à demi-éveillée,
D'une énorme ville commerciale, expansée, apoplectique,
Si tant est que cela soit possible hors de l'Espace et du Temps ?

Oui, d'un quai, d'un quai en quelque sorte matériel,
Réel, visible comme quai, quai réellement,
Quai absolu sur le modèle duquel inconsciemment imité,
Insensiblement évoqué,
Nous les hommes construisons
Nos quais dans nos ports,
Nos quais de pierre d'aujourd'hui sur de l'eau véritable,
Qui une fois construits s'annoncent soudain
Choses réelles, Esprits-Choses, Entités en Ames-Pierres,
A certains instants en nous de sentiment-racine
Où, comme si dans le monde-extérieur s'ouvrait une porte
Et que sans que rien ne change,
Tout se révèle différent...."


Extrait de Ode Maritime, poème de Fernando Pessoa,


Merci à celles et à ceux qui prennent le temps de lire et de commenter parfois les articles du blog, cela nous fait plaisir de vous lire au cours de ce rendez-vous quotidien. Merci de ce partage.

A demain. 

1 commentaire:

Sylvie Grr a dit…

Un grand quai plein de peu de gens...

Je vais dormir sur cette phrase... Merci